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austrelieculture
24 octobre 2009

Comme un wallaby dans le bush

"Are you familiar with snakes ?" ("Tu as l'habitude des serpents ?") C'est une des premières questions que l'on m'a posées lors de mon arrivée dans cette deuxième ferme où je fais du WWOOFing, toujours en Tasmanie... éh ouais, c'est le genre de détails auxquels il est normal d'avoir pensé un minimum quand on veut vivre en plein milieu du bush !... car si la première ferme où j'étais était assez isolée, celle-la est carrément perdue ! Greg, le patron, m'avait prévenue par mail : "Our environment here is immersion in Nature really.There is no influence from the world outside. If you are here alone you have silence." ("Notre environnement est vraiment une immersion dans la Nature. Il n'y a pas d'influence du monde extérieur. Si on est seul ici, on entend que le silence.") Et il ne m'a pas menti ! La maison en bois qu'il a construite avec sa femme Libby est perchée à 650 mètres d'altitude au milieu du bush (dryforest en bas et rainforest en haut s'il vous plait, c'est-à-dire forêts sèche et tropicale) et est entourée de falaises ! Ici, je vois plus de wallabies (petits kangourous) et d'oiseaux que d'êtres humains, même si nous sommes assez nombreux à vivre sur la propriété... 4 personnes dans la famille + nous les WWOOFers, qui sommes entre 4 et 7, cela varie. C'est un peu comme si on vivait en communauté ici. La famille vit dans la maison et les WWOOFers sont dispersés autour, dans des cabanes en bois, un bus aménagé ou leurs tentes ou vans. Moi je crèche dans une cabane à 5 minutes de la maison et c'est trop cool !

Liffey_062

Il faut à peu près trois jours à chaque nouvel arrivant pour commencer à se sentir à l'aise, trouver ses marques... même pour moi qui ai l'habitude de m'adapter aux maisons et aux familles, puisque c'est ainsi que je vis depuis le mois de janvier. Mais ici, c'est spécial, car même si on l'a voulu, après avoir roulé si longtemps presque sans croiser personne avant d'arriver à la maison, au début, on se sent un peu en prison car isolé, loin de tout... et à cela s'ajoute l'inquiétude de se faire une place dans cette "communauté". Les premiers jours, cela m'a un peu découragée, mais finalement, j'ai réussi à faire mon trou et j'apprécie vraiment les gens avec qui je vis... il m'a juste fallu un peu de temps pour accepter cette nouvelle situation - géographique et sociale.

Certains WWOOFers ne restent qu'une journée alors qu'ils ont prévu de rester plus longtemps, pas vraiment prêts à vivre si isolés ; d'autres au contraire prolongent leur séjour, tellement ils se sentent bien dans cet environnement. Les raisons de leurs venues sont variées : parfois, ils sont intéressés par le petit papier que le patron leur donnera à la fin du séjour, qui comptera pour pouvoir allonger leur Working Holiday Visa, parfois ils sont là pour expérimenter la vie dans le bush, en apprendre sur ce qui pousse là, parfois c'est le projet de leurs vacances... Ils sont australiens, chinois, coréens, français... et sont de tous âges. Ce qui semble tous nous unir est que l'on se pose tous des milliards de questions sur la vie et sur nous. On est tous un peu paumés, mais super ouverts et plein d'espoir... c'est marrant, c'est comme si on attendait de la Nature et de cette expérience qu'elles nous prédisent notre avenir !

J'avais prévu de rester dans cette ferme jusqu'à fin novembre... et je vais m'y tenir ! Je ne reste pas là pour me persuader que je peux vivre "coupée de la civilisation" comme on dit pour parler de la vie "loin d'une (grande) ville", mais parce que le projet de cette famille me plaît particulièrement... et parce que - puisque l'on parle de civilisation - les gens que je rencontre ici sont assez "civilisés" pour m'apporter tout ce dont j'ai besoin dans ce domaine !

Liffey_113

Le projet de Libby et Greg, c'est avant tout de vivre en harmonie avec la Nature avec un grand N. C'est pour cela qu'il y a 27 ans, ils ont acheté un terrain où il n'y avait aucune trace humaine, en plein bush, même s'ils avaient à construire, et la maison, et la route pour y accéder. Au début, ils vivaient sous une tente et vendaient des jonquilles. Maintenant, ils vivent d'un commerce de plantes médicinales et herbes à thé qu'ils font pousser, et d'un énorme potager pour nourrir la famille et les WWOOFers. Vivre en harmonie avec la Nature ne se limite évidemment pas à vivre isolés de tout pour cette famille : c'est plutôt un fil conducteur, à partir duquel tout un mode de vie s'articule, de la façon la plus cohérente possible. Aussi, on fait au mieux pour ne pas perturber l'écosystème naturel, par exemple en n'intégrant pas d'animaux comme des chiens, des chats, des moutons, des vaches (etc) qui pourraient rompre les chaînes alimentaires. Cela ne veut pas dire qu'ils sont contre ces industries : d'ailleurs ils en consomment les produits.

Un autre principe, très présent, est de ne rien gaspiller de ce que la Nature nous donne, à commencer par la nourriture : on se sert autant qu'on veut pourvu qu'on finisse son assiette et bien-sûr, on ne jette jamais les restes. Le fait de jeter de la nourriture ne serait pas un si gros problème en soi, puisqu'elle retournerait dans la nature après avoir été compostée ; il s'agit plus d'être conscient de la chance qu'on a d'avoir à manger tous les jours et de l'honorer en la respectant. La nourriture n'est pas un droit, c'est un don. Je suis sûre que quand on commence à respecter des choses aussi simples que cela au quotidien, la notion de respect peut s'ouvrir plus largement en général.

Je me rends compte que de vivre en limitant le plus possible les gaspillages, que ce soit la nourriture, l'eau ou autre et donc en faisant au mieux pour protéger l'environnement n'a rien de nouveau pour moi : c'est en effet dans cet état d'esprit que je vivais à Paris, même s'il est impossible d'y "vivre en harmonie avec la Nature" ! Ici, entourée de gens si respectueux et connaisseurs de la nature, je vais donc plus loin, et c'est bien car il y en a toujours à apprendre dans ce domaine. Peut-être qu'à mon retour, je pourrais être prof anti-gaspillage ?! En voilà une super idée, tiens ! Un premier argument, pour convaincre mes élèves, serait certainement que cela permet de faire des économies ! Non mais c'est vrai, même moi, avec mes quatre sous, j'ai réussi ces dernières années à acheter en majorité bio (nourriture, cosmétiques, produits quelconques), sûrement juste parce que je ne jette jamais la nourriture ou n'abuse pas de la lumière et du chauffage ! Et pourtant, je ne me prive pas et ne suis pas focalisée là-dessus. C'est juste une question d'habitude, cela s'apprend.

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De réaliser leur rêve de vie en pleine nature et donc à l'écart de tout n'empêche pas à cette famille d'être intégrée dans la société et attentive au monde extérieur. "Be aware of" ("Être conscient de") est une expression que j'entends souvent ici, que ce soit à propos de la nourriture, des dangers, des malheurs, du bonheur, de nos états intérieurs et extérieurs, des autres, bref, de tout... Greg et Libby voyagent très souvent en Inde, où la pauvreté est très présente et leurs 6 enfants y sont tous allés plusieurs fois, dès leur plus jeune âge. Cette conscience du monde permet de parler de tout, quelque soit l'âge, et c'est sûrement de là que vient cette grande part d'humanité que je distingue chez eux. On a bien sûr le droit d'être heureux, mais pas trop de se plaindre. D'ailleurs, je n'entends jamais personne se plaindre de quoi que ce soit, même de la part des deux petits derniers, qui ont 9 et 14 ans et qui restent des enfants/ados... mais sans les caprices.

Un autre élément extérieur qui marque beaucoup cette famille, c'est le fait que Libby est docteur et travaille avec différentes organisations comme le Centre aborigène de Launceston et les Flying Doctors (des docteurs qui se déplacent en avion, afin d'accéder à n'importe quel endroit, dont les îles). Elle est donc au cœur de réalités sociales que seulement peu de gens ont la possibilité d'approcher...

... et moi, j'estime que j'ai une chance incroyable de vivre avec des gens comme elle, Greg et ceux que je croise dans les hauteurs de Liffey. Bien sûr, point de télé dans cette maison et malgré cela, je n'aurai jamais le temps d'écouter toutes les histoires qui se racontent là d'ici mon départ !

... et je me sens bien, comme un wallaby dans le bush...

Liffey_018

(J'ai rajouté quelques photos dans l'album Tasmania... série "Liffey". D'autres viendront probablement s'ajouter bientôt...)

Liffey, samedi 24 octobre 2009,16h30 (7h30 du mat' en France)

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